dimanche 4 juin 2006

Le post des deux-points.

Je corrige les examens d'adolescents qui aspirent aux bancs inconfortables de la belle institution pot-ée du cégep.

C'est su.

Je travaille dans un endroit aux conduits d'aération malsains, où il faut demander la permission pour avoir un nouveau stylo vert, où il faut trouver le "responsable" pour baisser ou monter le chauffage qui n'est jamais à une température humainement vivable, où le frigo garde au frais des lunchs cachés dans un sac à lunch déjà refroidissant. Je travaille dans un bureau gris et aubergine où la pause est à 10h15 et à 14h15, elle dure quinze minutes. Quand je me sens wild, elle en dure seize. Je prends l'ascenceur pour monter comme pour descendre. Je ne me force pas pour monter les sept étages à pieds, ça ne m'apporterait rien sauf des cernes supplémentaires sous les aisselles, mais je félicite ceux et celles qui le font parce que c'est leur façon de se sentir moins encroûtés, moins fonctionnaires. Et pour ça, ils gagnent un point parce que les fonctionnaires qui travaillent aux autres étages de ma bâtisse prennent l'ascenseur, des fois, pour descendre du premier. Oui.

J'affirme, maintenant, que si je travaillais au premier, je ne prendrais jamais l'ascenseur, ever. Sauf si j'avais une cheville foulée ou un tibia fracturé.

Je pense que plus on travaille dans cette mini tour, plus on oublie l'existence des escaliers. Pour ma part, les marches ne sont là qu'en cas de feu.

Je travaille dans un bureau qui attend l'arrivée de la cuvée temporaire d'employés du printemps (moi et gang de nerds) pour préparer un exercice de feu. On reçoit la visite du plate en chef qui vient nous parler du plan d'évacuation (des eaux souillées) en cas d'incendie. Il nous explique les consignes comme s'il parlait d'un sujet vaiment important. Nous on l'écoute et on se dit : "Yes, on manque encore vingt minutes de travail et on est payé!" (Quand on travaille là, on accumule des neurones paresseuses de fonctionnaire : toute minute non travaillée et payée se compte.) Quand il a fini son discours, le plate en chef repart et nous, on compte les heures avant que la sonnerie parte. Parce que, le plate, il nous a bien a-ver-tis qu'on ne saurait pas à l'avance le moment de l'exercice. Ça peut sonner à tout moment. Beware! Ouh!

Le lendemain, ça sonne. Les responsables d'étage se mettent un dossard fluo. Il devait ête caché sous leur chaise de bureau, comme les gilets de sauvetage dans les avions. Ils l'ont sorti d'une main tremblottante : "C'est aujourd'hui que ça se passe." On les voit se poster dans la cage d'escalier et tenir les portes ouvertes. S'il y a quatre ou cinq qui y passent, c'est eux, les kamikazes de la rue Prince-Édouard. Je leur dois ma vie en avance.

Nous sortons en jasant comme nous le faisions lors d'exercices semblables au primaire. Nous allons loin dans la rue, nous avons envie de partir. Mais ce sont de précieuses minutes non travaillées payées. Personne ne bouge.

On attend longtemps. Toujours trop longtemps pour rien. Ensuite, ah, déjà, on peut remonter. L'ascenseur chauffe. Les escaliers aussi. Le calme revient. Les plates se félicitent : quel joli exercice de feu, vous voyez bien que nous sommes compétents.

Notons que les cas problèmes ont été avertis et évacués avant les autres. Des cas de panique au son des cloches, de chaises roulantes, de mobilité de cerveau réduite. S'il y a un vrai feu, ces cas-là, il va falloir s'en occuper. Mais pourquoi s'en soucier pour un simple essai? On les pitchera par le châssis, hein! Et on continuera notre descente joviale.

Demain : lundi.

Z.